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- Le Chat Lettré -
26 mars 2006

Valère Novarina

La Scène, de Novarina (mis en scène par lui même) fut jouée au Théâtre National de La Colline (saison 2003-2004), cette critique a pour but de vous donner envie de lire la pièce ou même d'aller la voir si par chance l'occasion se présentait!

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"Que voit-on sur scène? Voit-on les hommes ou leur langage? Les acteurs chutent: Souffrent-ils vraiment? Peut-on assister à la passion de la parole? La parole est-elle notre matière, comme le bois pour Pinocchio? Pourquoi nous rassemblons-nous au théâtre? Pour rire de notre chute?"

C'est autour de ces questionnements que se développe l'avant-dernière pièce de Valère Novarina, La Scène.

Cette pièce forte, belle et étrange doit ceci au fait qu'elle transgresse les attentes du spectateur, qui reste abasourdi sur place et ébahi par le spectacle déroutant de Valère Novarina.

La musique altérée de Beethoven qui enveloppe le spectacle alourdit l'ambiance et le choix de ce compositeur devenu sourd, souligne le rapport entre nous, spectateurs, et eux, acteurs: un dialogue de sourd. Novarina met en scène une sorte de musique pour malentendant et un décor non figuratif pour aveugles consentants.

La toile de fond est sublime, fantasque et éparse, peinte par Valère Novarina lui-même, elle intensifie par son abstraction "l'effusion" des personnages; j'entends par le mot effusion, le fait que le langage jaillit de telle sorte que différents sentiments s'échappent du corps des acteurs. C'est un déluge de paroles, de sentiments...

Dans cette pièce, Novarina choisit l'Homme pour théâtre. Que ce soit "l'Homme qui cherche un Homme" et finit aussi nu que Diogène; ou encore l'Homme qui porte sa planche, comme Jésus portait sa croix; on assiste à une représentation diffractée de la condition humaine.

La scène est une table d'opération exposée devant nous, spectateurs: une salle où l'on opère la condition humaine, où l'on éparpille, disperse et déconstruit la parole. Valère Novarina retourne le corps, le présente vu d'un autre jour "l'intérieur de l'Homme", une espèce d'anatomie ouverte et accessible à tous.

Les comédiens (Michel Baudinat, Céline Barricault, Dominique Parent, Dominique Pinon, Claire-Monique Scherer, Laurence Vielle...) nous donnent ici une véritable leçon de théâtre, tout vole, éclate dans une énergie pure. Ils "s'ouvrent", s'offrent à écouter, deviennent leur "dedans", tenu au secret par un monde myope et sourd. Ils parlent, injurient, dansent, chantent. Ils vivent (les sourires sont nombreux). On aimerait être là-bas, sur scène.

La fin est spectaculaire car l'Homme n'est plus. Le comédien a réussi avec succès sa métamorphose ou plutôt son dépècement. Nous ne voyons plus l'enveloppe charnelle, mais seulement ce qu'elle contenait, l'homme n'est plus qu'un tube rempli d'air ou de paroles. Nous assistons alors à "la passion du langage": l'effusion de la parole a lieu devant nous, comme si le langage était devenu l'unique matière du corps, son carburant.

Cette pièce invite le spectateur à se réfléchir au lieu de réfléchir pour lui.

Le Chat Lettré


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