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- Le Chat Lettré -
15 avril 2006

Johnny, Chien Méchant

Johnny, Chien Méchant d'Emmanuel Dongala

dongala

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Cela n’a échappé à personne : le salon du livre de Paris 2006 avait pour invitée d’honneur la francophonie. De nombreux écrivains s’y sont retrouvés et ont pu débattre de leur choix de langue d’écriture. Parmi eux était invité Emmanuel Dongala, de mère centrafricaine et de père congolais, enseignant la chimie et la littérature africaine francophone aux Etats-Unis. Si vous n’avez pas profité de cette occasion pour le rencontrer, ce qui est bien dommage, n’attendez plus pour vous jeter sur ses romans !

Johnny Chien Méchant est un roman à deux voix : celle de Johnny, seize ans, du commando « Donne-la-mort » et celle de Laokolé, seize ans, qui rêve de devenir ingénieure. Qu’ont donc en commun ces deux êtres, qui nous donnent à entendre le récit de ce qu’ils vivent ? Ils sont chacun d’un côté de ce qui se passe : l’un viole, pille, mutile, tue, l’autre subit le viol, le vol, la mutilation et la mort. Viol de toutes ces femmes qui n’appartiennent pas à la bonne ethnie et servent au repos du guerrier, vol de populations misérables jetées sur la route avec leurs maigres possessions pour échapper aux troupes gouvernementales, hier considérées comme rebelles, mutilation d’individus qui se trouvaient là au mauvais moment et mort du père, des amis, de villages entiers. Que faire, dans un pays où règne la mort, quand on est femme ?

Lui s’est appelé « Lufua Liwa », « Trompe-La-Mort », puis « Matiti Mabé », la « Mauvaise Herbe », mais c’est sous le nom de Johnny Chien Méchant qu’il restera dans les mémoires. Comment est-il devenu ce meurtrier sanguinaire, ce pilleur sans morale ? Pour quelle idéologie combat-il ? Comment, à seize ans, peut-on avoir acquis une telle expérience dans la violence ? Que faire, dans un pays hors la loi mené par la corruption, quand on est homme ?

Que faire quand on est adolescent, homme ou femme, dans un pays où les guerres absurdes se succèdent ?

Emmanuel Dongala nous fait partager le destin de ses deux personnages : nous sommes solidaires de Laokolé, courageuse et digne. Cependant, et c’est la force de l’écriture de cet écrivain, si nous sommes terrifiés par Johnny, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir pour lui un ensemble de sentiments très  contradictoires : horreur, oui, face à ce déchaînement de bestialité, mais aussi  compassion pour ce jeune homme à peine sorti de l’enfance, pris dans un tourbillon de violence dont il est, lui aussi, une victime.

L’Afrique est issue d’une histoire douloureuse, dont les cicatrices ont du mal à se refermer. Mais son avenir est à faire, et il est possible, tant que l’humain reste un être de paroles, qu’il peut nommer l’univers, sous la clarté bienveillante des étoiles « diamants brillants couronnant nos têtes »! C’est le cri que nous lance E. Dongala dans ce roman : il faut le lire !

Le Chat Lettré 1


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