Auprès de moi toujours
Auprès de moi toujours, de Kazuo Ishiguro
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C’est une voix éthérée qui nous raconte cette histoire, histoire d’une vie, de vies, sans regret, sans amertume, sans révolte, peut-être aussi sans sentiment ?
Le ton est donné dès les premières lignes, suscitant chez le lecteur un vague sentiment de malaise, ainsi qu’un désir d’en savoir plus : qui raconte ? Car même si nous connaissons le prénom de l’héroïne dès la première ligne, elle nous reste curieusement lointaine et inaccessible. En quoi consiste cet étrange métier, « accompagnante de donneurs », qu’elle exerce ? Qui sont ses pairs, qui viennent, comme elle, d’Hailsham ? Qu’est-ce qu’Hailsham ?
Nous partons, avec Kathy, sur les traces de ce lieu mythique, mettant bout à bout les souvenirs pour tenter de donner une cohérence à ce qui a été vécu. Et nous découvrons, peu à peu (le suspense est bien mené), avec stupéfaction, et quelques frissons d’horreur, ce qu’était ce lieu, et la destination des enfants qui y étaient éduqués.
Il ne faut pas en dire plus, sous peine de dévoiler l’intrigue. Mais si ce roman nous amène à une réflexion directement liée à l’actualité contemporaine ainsi qu’à quelques mauvais souvenirs d’une histoire pas si ancienne, elle nous renvoie aussi à un questionnement plus universel : quelle est la place de l’enfance dans la construction d’un être ? Ce « vert paradis » conditionne-t-il irrémédiablement le chemin de chaque individu ? Ne passe-t-on pas son existence à le rechercher ? Et, au-delà de cette recherche, quel est le sens de la vie ?
A toutes ces questions existentielles soulevées par ce roman, quelles réponses apporter ? La seule raisonnable sans doute : l’acceptation de sa condition d’humain ?
Un livre fort et dense, donc, dans la droite ligne de tout ce qu’a écrit l’auteur jusqu’à présent.
Le Chat Lettré 1